RISQUES PSYCHOSOCIAUX :

QUEL RÔLE POUR L’ENTREPRISE ?

RSE, QVT, RPS. Responsabilité Sociétale des Entreprises, Qualité de Vie au Travail, Risques Psychosociaux.

Derrière ces acronymes, une question de fond relie les organisations et les individus, les entreprises et les salariés, au-delà de la fiche de poste et du bulletin de paie.

Quel pouvoir l’entreprise, cet espace de travail cadré et contraint, a-t-elle sur le bien-être de ses membres ? Quel pouvoir et quelle responsabilité ? L’idéal de sens au travail est-il de son ressort ? Faut-il restreindre l’intervention de l’entreprise à la création de conditions de travail sécurisées ou en faire bien plus que cela, le lieu d’un épanouissement, d’un élan collectif vertueux, d’une harmonie au bénéfice du plus grand nombre ?

Prévention des RPS : c’est la loi qui le dit

Dans le Code du travail, c’est l’article L.4121-1 qui décrit l’obligation générale de sécurité qui incombe à l’employeur. Une réglementation qui impose d’évaluer les risques de toutes sortes, y compris psychosociaux, et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Mais qui va au-delà de la seule évaluation en s’engageant sur un volet préventif concret, tel que l’exige l’article L.4121-2 du Code du travail : l’employeur doit « combattre les risques à la source et adapter le travail à l’homme ». Une obligation de résultats est attendue ; la mise en conformité ne suffit pas. Il est impératif de parvenir à l’effet escompté.

Quels risques à ne pas s’occuper de ses risques ?

Technique, organisation et conditions de travail, relations sociales, la prévention des risques engage la responsabilité pénale de l’employeur. Neuf principes de prévention sont à respecter : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, réfléchir à l’ergonomie des postes, tenir compte de l’état d’évolution de la technique, rendre le travail moins dangereux, planifier les actions de prévention, prendre des mesures de protection collective, et donner des instructions claires. Le DUER (document unique d’évaluation des risques) transcrit l’inventaire des risques au niveau de chaque unité de travail en faisant apparaître les situations concrètes de travail identifiées comme étant à risques, en analysant leurs causes et conséquences pour en prévenir l’apparition, en définissant un degré d’intensité du risque et en planifiant les actions de prévention. Ce document unique est obligatoire pour l’employeur depuis le décret du 05 novembre 2001 et doit être mis à jour au moins une fois par an, à l’occasion d’une évaluation de l’efficacité des actions mise en place et de leur ajustement selon les besoins.

Ce qui est engagé dans les RPS

Selon l’activité de l’entreprise, l’inventaire des risques peut se montrer extrêmement variable et complexe à établir : risques liés à l’activité physique, risques biologiques, chimiques, électriques, mécaniques, liés aux chutes, aux déplacements, etc. Le rapport Gollac mesure les facteurs psychosociaux de risques au travail qu’il regroupe en six axes principaux : exigences du travail, exigences émotionnelles, manque d’autonomie et de marges de manœuvre, mauvais rapports sociaux et relations de travail, conflits de valeur et qualité empêchée, insécurité de la situation de travail. Pour Dominique Malherbe, dirigeante du cabinet RH ADMC, consultante spécialisée en prévention des risques professionnels et plus particulièrement psychosociaux, la question fondamentale posée par la prévention des RPS est :

Comment l'organisation du travail permet-elle de préserver la santé des travailleurs ? ”

Le travail au centre de la réflexion

S’emparer du sujet des RPS nécessite de se questionner sur les réalités du travail exercé. C’est uniquement en observant les situations de travail de façon concrète que des actions préventives peuvent être mises en place. Sont ainsi analysés : les situations de stress (déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes de son environnement de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face), les violences internes commises au sein de l’entreprise par des salariés (harcèlement moral ou sexuel, conflits exacerbés entre des personnes ou entre des équipes), et les violences externes commises sur des salariés par des personnes externes à l’entreprise (insultes, menaces, agressions…). Ces situations ont des conséquences concrètes pour le salarié : maladies cardiovasculaires, troubles musculosquelettiques, dépression, anxiété, épuisement professionnel, burn-out. Pour l’entreprise, les répercussions sont elles aussi impactantes : absentéisme, turn-over, inefficacité, qualité du travail…

 

  • Étape 1 : préparer la démarche en impliquant les acteurs

  • Étape 2 : évaluer les risques en sollicitant l’expression individuelle et collective

  • Étape 3 : définir un plan d’actions

  • Étape 4 : mettre en œuvre le plan d’actions

  • Étape 5 : réévaluer les facteurs de risques psychosociaux pour actualiser les voies d’action

Qu’est-ce qui pose problème au travail ?

L’évaluation des risques psychosociaux peut s’avérer plus délicate à faire que celles des autres risques professionnels. Comment identifier des risques qui engagent une certaine forme de perception ? Comment mesurer les décalages qui peuvent exister entre l’appréciation et la réalité ? Pour Dominique Malherbe, la prévention des RPS doit nécessairement s’appuyer sur une attention et une écoute apportée aux perceptions et ressentis du vécu des personnes au travail : Chez Martin Brower, entreprise de supply chain et logistique, qui s’est engagée dans une démarche de prévention des RPS depuis 2013, tout a débuté par une phase de diagnostic prise en charge par un tiers extérieur spécialisé afin d’assurer une réelle libération de la parole. Une première étape qui a duré près de 9 mois. Les salariés de l’entreprise ont tout d’abord reçu un questionnaire ayant pour objectif de faire une première photographie de la situation. Santé, management, reconnaissance, conditions de travail (horaires, bruit, …)… Chacun était libre de répondre, sans obligation, et de façon parfaitement confidentielle. À l’issue de cette première phase, des entretiens individuels et collectifs ont été organisés sur l’ensemble des sites en France, autour de panels représentatifs de salariés tirés au sort.

“On audite, on analyse, on travaille, on teste, on audite, on recommence. Les RPS sont un sujet d’amélioration continue permanente à intégrer pleinement à sa politique managériale pour offrir des conditions de travail toujours plus satisfaisantes.”

Bruno Boutet, DRH Martin Brower France

Le stress, ça fait partie du métier ?

Certaines idées reçues ont la peau dure ! Libérer la parole des salariés sur les RPS permet de regarder en face l’organisation de son entreprise et d’agir concrètement en faveur d’un environnement de travail serein pour chacun, pour une performance pérenne de l’entreprise.

  • L’INRS, Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, propose des outils et services aux entreprises pour mettre en place leur démarche de prévention des RPS.

  • Se rapprocher de la médecine du travail peut être le bon premier pas à faire pour trouver les ressources accompagnatrices utiles.

Si l’entreprise a légalement l’obligation de prendre en charge la prévention des risques psychosociaux, résultats à l’appui, la problématique reste un sujet partagé qui doit interpeller à la fois l’organisation, et ses membres. 

À l’entreprise de mettre en œuvre les conditions d’expression des ressentis vis-à-vis des conditions de travail et les modalités d’actions pour faire de l’espace de travail, un lieu de réalisation personnelle. À chacun de s’interroger sur ses attentes et besoins profonds, et sur sa contribution à l’équilibre collectif.

La prévention des risques psychosociaux est un pas vers un environnement de travail qualitatif. Un sujet qui s’entretient, se challenge, une démarche qui se travaille sur la durée. Un sujet vivant qui remet l’Homme au centre de l’organisation.