
INNOVATION :
DU FANTASME À LA RÉALITÉ

Un camion est un camion. Des roues, des portes, un volant. À l’intérieur, plus ou moins d’électronique, plus ou moins de fonctions. Mais au final, un camion reste un camion. Un véhicule qui roule, conduit par un chauffeur d’un point A, à un point B.
Et s’il était plus que cela ?
Si dans un camion pouvait se concentrer toute une culture d’entreprise ?
Si un camion pouvait raconter une attention sincère portée à ceux qui en ont l’usage quotidien ? Une vigilance particulière concernant la sécurité ? Concernant l’environnement ? Et si l’innovation dans le monde du transport nous montrait la voie d’un développement toujours plus précautionneux, toujours plus utile, au service de la qualité de vie, de la sécurité ? Et si l’innovation, tout court, était autre chose qu’une fuite en avant, mais bien un chemin vertueux d’interrogations, de réflexions et d’améliorations pour vivre et travailler toujours mieux ?
Et si l’innovation pouvait sauver le monde ?
Innover, pourquoi ?
Le mot « innovation » a été dans tellement de bouches que rien n’a été plus facile que d’en perdre le sens. À la charge des entreprises invitées (ou contraintes ?) à innover pour assurer leur survie de s’interroger ainsi sur le pourquoi de l’innovation. Oui, pourquoi innover ? Pourquoi chercher autre chose que ce qui fonctionne déjà ? Pourquoi en faire toujours plus ? La pérennité des entreprises ne peut-elle être due qu’à leur capacité à innover ? Rémi Paing, consultant spécialisé en innovation, a travaillé chez le loueur de camions Fraikin pendant plus de 35 ans. Il tient à relativiser un terme à l’origine de tous les fantasmes : « L’innovation est souvent perçue comme devant être quelque chose d’inédit, d’incroyable. Une vraie révolution. Une création pure et dure à partir de rien. En réalité, l’innovation, c’est chercher de nouvelles façons de faire des choses utiles, qui servent les usages. Cela peut effectivement consister à créer quelque chose de nouveau mais cela peut aussi être – et c’est souvent le cas – à améliorer l’existant. »
Dans l’univers du transport et de la supply chain, comme dans bien d’autres domaines, une bonne innovation se jauge ainsi à son niveau d’utilité. « Ce qui doit faire foi, c’est le retour d’expérience des usagers. S’ils valident l’utilité de l’innovation, alors elle est valable. Sans cela, elle est gratuite. » ajoute le consultant.
« Ce qui doit faire foi, c’est le retour d’expérience des usagers. S’ils valident l’utilité de l’innovation, alors elle est valable. »
Rémi Paing, consultant en innovation, chargé de mission chez Fraikin
Rémi Paing, consultant en innovation, chargé de mission chez Fraikin
Innover pour !
La valeur d’une innovation semblerait ainsi se jauger à l’aune de la capacité à compléter la formule : « Innover pour… » Sans cela, aucun intérêt. Chez Martin Brower, entreprise de supply chain et logistique, l’innovation est culturelle. Ancrée dans l’ADN des équipes, elle est une façon de considérer les sujets, quotidiennement, sous l’angle de l’amélioration continue. « Nous nous challengeons perpétuellement pour trouver de nouvelles solutions. Nous allons au-delà du nécessaire afin de ne pas subir. » explique ainsi Nicolas Dewez, Directeur technique, recherche & développement chez Martin Brower France. Anticiper pourquoi ? Pour prévenir la réglementation, pour améliorer la qualité du service client, pour améliorer la qualité de vie au travail des collaborateurs, pour renforcer la sécurité, pour limiter son impact environnemental, pour se différencier. Pour survivre sur des marchés concurrentiels. Stéphane Daguet, Directeur des Opérations chez Martin Brower France confirme cette vision d’entreprise : « Se questionner permet d’avoir un coup d’avance. Pas pour être les premiers sur tout mais pour être prêts, par exemple lorsqu’une réglementation tombe. S’améliorer toujours permet aussi d’être attractifs, sur le marché de l’emploi entre autres. »
“Nous nous challengeons perpétuellement pour trouver de nouvelles solutions. Nous allons au-delà du nécessaire afin de ne pas subir.”
explique ainsi Nicolas Dewez, Directeur technique, recherche & développement chez Martin Brower France.
Pour survivre sur des marchés concurrentiels. Stéphane Daguet, Directeur des Opérations chez Martin Brower France confirme cette vision d’entreprise :
“Se questionner permet d’avoir un coup d’avance. Pas pour être les premiers sur tout mais pour être prêts, par exemple lorsqu’une réglementation tombe. S’améliorer toujours permet aussi d’être attractifs, sur le marché de l’emploi entre autres.”
Innover pour :
prévenir la réglementation
améliorer la qualité du service client
améliorer la qualité de vie au travail des collaborateurs
renforcer la sécurité
limiter son impact environnemental
se différencier

Innover, comment ?
Imaginer, les yeux fermés. Ou observer, les yeux grands ouverts. Rémi Paing n’a aucun doute à ce sujet. Il décrit l’innovation selon une logique de chaîne :
“La première étape consiste à observer les usages, à être attentifs à ce que les gens de terrain racontent, qu’il s’agisse des collaborateurs ou des clients. Ensuite, il faut se questionner. À partir des retours d’expérience, s’interroger sur ce que l’on peut faire pour améliorer les choses. Brasser des idées. Et surtout : tester.”
La chaîne de l’innovation
Observer les usages sur le terrain / Écouter les retours d’expérience des usagers
Se questionner et produire des idées
Tester les idées
Déployer
Observer la pertinence
Améliorer continuellement- Deploy
Chez Martin Brower France, l’innovation se formalise par des démonstrateurs : des tests à petite échelle pour confirmer ou infirmer l’intérêt d’une innovation, à l’instar des POC, les « Proof Of Concept » (« Preuve de concept »). « Nous sommes un peu comme un laboratoire. Avant d’être potentiellement déployée, une idée est testée. La nuance étant qu’elle est testée sur le terrain, en conditions réelles. » précise Stéphane Daguet.
Avant la phase de tests grandeur nature, c’est l’écoute terrain et la production d’idées, toutes bienvenues, qui servent l’innovation au quotidien, comme le détaille Nicolas Dewez : « Pour faire évoluer nos camions, en termes d’impact environnemental, de sécurité, d’ergonomie, nous avons organisé des groupes de travail avec une quinzaine de personnes représentatives de plusieurs métiers de l’entreprise, et des partenaires carrossiers, frigoristes, loueurs de camions par exemple. Chacun était libre de tout dire et de tout proposer, sur la base de son expérience quotidienne. En 5 mois de travail, ils ont produit plus de 60 propositions qui ont été arbitrées, conçues pour certaines en bureau d’études, validées chez les loueurs puis formalisées dans de nouvelles fiches techniques qui servent ensuite de base aux commandes. » Au-delà de ces campagnes d’innovation, Martin Brower France promeut une culture intégrée en interne : « La boîte à idées est ouverte en permanence. Certaines situations de notre vie quotidienne peuvent nous inspirer pour solutionner un sujet précis sur un camion. L’enjeu est d’apprendre à imaginer autrement, sans limite. On est loin du bureau d’études déconnecté de la réalité. » précise le responsable technique.
Des camions symboles d’une innovation raisonnée
Il faut imaginer : chaque jour, 120 camions Martin Brower sur les routes de France, pour livrer 1 499 restaurants. Sur ses camions, Martin Brower France rivalise d’ingéniosité pour les améliorer, au service des chauffeurs, des clients, des riverains, et de la planète, comme le détaille Nicolas Dewez.
« Là où il y a d’habitude deux portes lourdes à manipuler, génératrices de bruit, il y a désormais un rideau relevant électrique à l’arrière des véhicules. Une technique qui soulage la manipulation des chauffeurs, qui réduit le bruit pour les riverains, et qui permet de limiter les déperditions de froid grâce aux panneaux qui empêchent le froid de rentrer et le chaud de sortir. Testée en 2010, cette technique équipe nos véhicules depuis 2012. »
« Pour limiter au maximum le bruit de nos livraisons nocturnes, nous avons recouvert le hayon élévateur d’un revêtement caoutchouc qui évite la résonnance du bruit lors des déplacements des rolls. Nous avons aussi équipé les parois de bandes de téflon pour absorber le bruit. Nos véhicules sont labellisés PIEK depuis 2009 ; cette certification à laquelle nous avons contribué garantit que le matériel respecte le seuil sonore maximum de 60 dB, ce qui en en fait un matériel adéquat pour les livraisons nocturnes. Les riverains ont même pensé que nous avions changé nos horaires de livraison tant ces innovations sont probantes ! »
« Pour tester la température des produits livrés, les clients piquaient auparavant un échantillon avec un thermomètre. Désormais, une sonde à inertie capte la température à l’intérieur des colis l’inertie et l’atteste par un ticket, sans avoir besoin d’aucun prélèvement. »
« Arrivé au tiers du trajet du hayon élévateur, le rideau s’ouvre automatiquement et la lumière s’allume. C’est plus de sécurité pour les chauffeurs. »
« Une caméra de vision à 360 degrés reproduit le véhicule vu de dessus et facilite la conduite des chauffeurs. »
« Les déchets alimentaires des cuisines des restaurants livrés sont collectés via un tuyau sous le camion. Ils sont ensuite broyés pour devenir du biogaz, un carburant vert pour nos camions. Nous testons cette technique à Lyon depuis 2017. »
“Pour ne pas faire revenir nos camions à vide, nous avons imaginé un système permettant de récupérer les cartons de nos clients en les stockant entre deux cloisons afin qu’ils ne soient pas en contact avec les produits. Nous proposons ainsi de nouvelles prestations à nos clients.
C’est la « Reverse Logistique”.
« En réinterrogeant la norme des palettes en bois UE, nous en sommes venus à concevoir des demi-palettes en plastique dont le format peut pénétrer dans les réserves des restaurants. Un gain de temps et de pénibilité phénoménal pour tout le monde. »
« Depuis 2010, nous utilisons le B100, un biocarburant issu à 100 % des huiles alimentaires végétales usagées, récupérées dans les restaurants. À ce jour plus de 78% de notre flotte roule au B100. Une innovation dont l’impact environnemental pourra s’avérer phénoménal à grande échelle. »
Impact environnemental maîtrisé voire réduit, qualité de vie au travail, fidélisation et attractivité internes et externes, l’innovation prend tout son sens lorsqu’elle dépasse le seul sujet technologique. C’est ce que défend Rémi Paing : « L’innovation doit être raisonnée. C’est-à-dire qu’elle doit servir à atteindre un meilleur niveau. Elle doit à la fois être utile et rentable. Sinon, elle est un gadget. Le sens de l’innovation est fondamental. »

Partager l’innovation
Innovation partagée et partage de l’innovation. Chez Martin Brower France, le sujet est abordé de façon simple : l’innovation naît du regroupement des compétences et elle se diffuse pour inspirer et servir largement. « Chez Martin Brower France, l’innovation n’est pas une longue réflexion dont rien ne sort. Elle est simple : on observe, on tente, on avance. C’est très opérationnel, très concret. Et c’est cela qui fonctionne ! » analyse Rémi Paing.
« Nous n’avons pas une culture du brevet ou du secret industriel. En réalité, nous sommes fiers de savoir que nos questionnements et nos travaux inspirent d’autres confrères dans le domaine de la logistique et de la supply chain. Nous sommes reconnus pour notre goût pour l’innovation, à tel point que parfois, on nous propose de tester des idées. » explique Stéphane Daguet. « Tout ceci sert nos collaborateurs et nos clients, c’est l’essentiel. Et si cela diminue la pénibilité au travail, accroit la sécurité, réduit l’impact sur l’environnement au-delà de Martin Brower, alors c’est bénéfique pour tout le monde, tant mieux ! »
Trois clés de succès de l’innovation
1.
Travailler à plusieurs
« Nous sommes évidemment plus fort en réfléchissant à plusieurs. Chacun son regard, son métier, son expertise. En croisant les regards, on trouve les idées pertinentes. » explique Nicolas Dewez.
2.
Envisager l’innovation dans la durée
« Chez Martin Brower, plusieurs projets expérimentaux sont devenus des technologies de série sur les camions. L’innovation ne s’envisage pas comme un ‘one shot’ mais comme une source d’amélioration et de diffusion au profit plus large. » note Rémi Paing.
3.
Accepter de se tromper
« Toutes les idées ne réussissent pas du premier coup. Il faut accepter de se tromper, d’abandonner parfois, ou de persévérer. » témoigne Stéphane Daguet.
Demain, les centres-villes seront interdits aux véhicules trop polluants. Une bonne raison pour se pencher sur les sujets des véhicules électriques et des biocarburants. Demain, le lien social et la qualité relationnelle resteront essentiels lors d’une livraison. Une bonne raison pour ne pas envisager le sujet des livraisons sans chauffeur.
Définitivement, l’innovation n’est bonne ou mauvaise qu’au regard de la cause qu’elle sert. Loin des révolutions et autres inventions saugrenues, elle répond à un besoin, soulage un usage, améliore des conditions de vie ou de travail, limite un impact ou renforce une relation. Pensée avec bon sens, testée avec application, l’innovation a quelque chose de profondément stimulant. Essayez pour voir de tout regarder en vous demander s’il n’existerait pas une façon de faire mieux.
Avec ces lunettes, les idées libérées bâtissent au final, un monde fondamentalement meilleur.